Les suites de Bach comme balises d’un parcours de vie. C’est ainsi qu’apparaît ce corpus appréhendé à l’âge de 11ans et qui, depuis, n’a cessé d’accompagner Jean-Guihen Queyras. Son dialogue avec Emmanuel Reibel est d’ailleurs régulièrement ponctué de ses souvenirs et impressions collectées au gré de ses tournées entre Tokyo, en 2002, et Buenos Aires, en 2019, ces six Suites dans ses bagages. Des considérations sur la nature de ces pièces qui, malgré leur identité propre, constituent « une seule et même œuvre » et le caractère de chacune des danses, précèdent de passionnantes questions d’interprétation qui intéresseront musiciens et mélomanes, et non les seuls violoncellistes. L’utilisation du vibrato, le recours aux cordes en boyau ou en métal, l’importance de la musique vocale comme « guide pour l’interprétation [d’une] œuvre instrumentale » et le style: « jouer Bach de façon romantique, c’estun peu comme parler anglais avec un accent provençal à couper au couteau ! »
Jean-Guihen Queyras confie une égale admiration pour Pablo Casals (« le jeu de violoncelle le plus humain que je puisse imaginer ») et Pierre Boulez (« une exigence très saine » mais aussi « chaleur et fidélité ») et combien sa rencontre avec Anner Bylsma fut déterminante (une « école de la liberté et d’intelligence »).
Au-delà des réflexions strictement musicales, toujours pertinentes, subtiles et claires, résonne dans ces échanges une ode à la curiosité, à l’ouverture d’esprit (côtoyer les baroqueux et intégrer l’Ensemble intercontemporain), à la générosité, au partage.
Philippe Venturini
Classica 248 – décembre 2022/janvier 2023