Artiste en résidence au Philharmonique de Strasbourg, le violoncelliste virtuose Jean-Guihen Queyras donne prochainement ses deux premiers programmes.

Ouverture, limpidité, élégance. Voilà trois mots qui viennent à l’esprit lorsqu’on pense à Jean-Guihen Queyras qui fut nourri à plusieurs sources vives, celle de l’école française tout d’abord avec Reine Flachot, « une grand-mère protectrice pour le gamin de onze ans que j’étais, grâce à qui j’ai eu accès à la génération des plus grands : Pierre Fournier, Paul Tortelier, Maurice Gendron. Elle avait une technique d’archet très horizontale, tout en souplesse et en fluidité, et une inlassable curiosité, me disant de m’intéresser aux expérimentations des « baroqueux » qui renouvelaient alors l’interprétation. »
Plutôt que de suivre le classique cursus honorum passant par le CNSM de Paris, il décide de s’ouvrir, étudiant à Fribourg-en-Brisgau (où il enseigne aujourd’hui) avec Christoph Henkel (« qui m’a transmis
une rigueur germanique»), puis aux USA, avec Timothy Eddy, « héritier de la tradition juive d’Europe
centrale, de cette diaspora qui a fuile nazisme ».
Des souvenirs qui demeurent…
C’est dans ce melting-pot d’influences que réside la vision musicale d’un quinquagénaire à l’allure d’étemel jeune homme, aimant explorer les horizons les plus variés, des musiques balkaniques (avec les frères Chemirani et Sokratis Sinopoulos) au jazz, bientôt, en compagnie de Raphaël Imbert.
Celui qui fut meilleur soliste instrumental aux Victoires de la Musique 2008 se souvient avec émotion de Claire Rabier : « À neuf ans j’avais eu un coup de foudre pour l’instrument. Elle m’a fait faire mes premiers pas, me disant de ne pas être tendu en tenant mon archet, comme si un petit oiseau se nichait au creux de ma main. Ces images restent ! Elle m’a donné le goût de jouer avec les autres, me faisant comprendre la nécessité de l’expérience chambriste ».
Jean-Guihen Queyras donnera ainsi un programme avec huit membres du pupitre de violoncelles de TOPS, le 27 janvier, où se croiseront des ragtimes de Joplin, deux Bachianas Brasileiras de Villa-Lobos -la rencontre entre Bach et le Brésil- et Messagesquisse de Boulez, un compositeur cher au coeur de celui qui fut membre de l’Ensemble intercontemporain qu’il avait fondé.
« II nous poussait à aller chercher tout le potentiel d’une oeuvre et à remettre sans cesse en question ce
que nous savions », résume Jean-Guihen Queyras qui se réjouit de faire découvrir une page « d’une densité extrême, où le soliste se lance, comme un cheval fou, dans une cavalcade éperdue au milieu des sons des autres violoncelles qui fusent dans tous les sens ».
Dans une autre série de concerts, les 24 et 25 janvier, il jouera le deuxième Concerto de Chostakovitch à qui
TOPS consacre un cycle, « la quintessence de l’oeuvre d’un homme qui, à la fin de sa vie, n’a plus rien à prouver. Il brouille les cartes dans une pièce méditative et intime, presque labyrinthique qui évoque curieusement Mahler ».
Son objectif ? « Me lover dans un univers que m’offre le compositeur. Raconter Chostakovitch avec la langue de Chostakovitch, ce qui ne veut pas dire que l’interprète doit s’effacer ».

LE VIOLONCELLE BAROQUE…
Parmi l’abondante discographie de Jean-Guihen Queyras, deux récents opus explorent le répertoire baroque. Gravé avec l’Ensemble Resonanz, l’un est dédié à Carl Philipp Emanuel Bach (le fils de), tandis que l’autre est consacré à Vivaldi. Si sur le premier, il a utilisé des cordes modernes (en métal), sur le second, il s’est servi d’un montage baroque avec des cordes en boyau : « Je n’ai pas de dogmatisme en la matière, ce qui est important n’est pas l’instrument mais la manière dont on le joue », affirme-t-il. Dans les deux disques, parus chez Harmonia Mundi, éclatent néanmoins une identique virtuosité et une pareille joie de jouer.