L’art du trio Faust- Queyras-Melnikov tient de l’inouï.

Jeudi soir, au Bozar, le célèbre éclairage de la grande salle soulignait tristement la raréfaction du public rassemblé au parterre, 300 personnes murmurantes et masquées, selon une jauge adaptée aux circonstances (équilibre entre les réservations et les frais d’accueil), il fallait le moral pour se sentir à la fête, mais tous avaient la foi !

C’était donc l’ouverture du festival associé à l’hôtel Beethoven, exposition- phare de la saison, tenue 50 mètres plus loin, avec, en invités, le trio surnaturel formé par la violoniste allemande Isabelle Faust, le violoncelliste français Jean-Guihen Queyras et le pianiste russe Alexander Melnikov. Il ne fallut d’ailleurs pas trois secondes (le temps d’enlever leurs masques) pour instaurer leur propre espace-temps et faire jaillir mille étoiles du plateau. Dédié à Beethoven, leur programme s’ouvrait avec les variations sur le thème “Ich bin ein Schneider Kaladu” (Je suis le tailleur Kaladu) extrait d’un Singspiel comique de l’époque. Des choses légères, en quelque sorte, mais Beethoven est rarement primesautier et comptez sur nos musiciens pour transformer l’introduction en un drame mystérieux et vaguement inquiétant : unisson parfait des vibratos (ou plutôt des non-vibratos) des cordes, sonorités inédites , à la fois lumineuse et courte, du piano (un grand Steinway mais Melnikov est le roi des pianos historiques), progression féline, suspendue, attentive du discours ces quelques mesures, à elles seules, justifièrent tous les efforts consentis. Les variations proprement dites furent ensuite l’occasion de découvrir plus avant la manière des artistes, faites d’innombrables trouvailles et imprévus, mais poursuivant toujours une double exploration du son et du sens. Avec des résultats très spirituels, parfois comiques notamment dans des effets de questions-réponses ou d’homonymie et une poésie omniprésente mais distanciée.

Le trio op.97 dit “A l’Archiduc”, fait partie des monuments les plus extraordinaires de son auteur, par son invention, sa complexité, ses dimensions. Nouvelle occasion d’admirer l’entente phénoménale des musiciens, semblant se jouer de toutes les embûches pour exercer pleinement leur liberté et leur imagination (riche de parcours personnels différents).

Intériorité. Jeudi ils semblaient inventer la musique sur place, avec de petits retards expressifs, de fines conjugaisons de sonorités, des coups de théâtre, des piano subito (dont Melnikov raffole) et, dans le finale, des traits perlés surnaturels, sur la danse des archets…

Mais on aurait aimé parfois plus d’abandon, plus d’incarnation, plus de larmes, oui, notamment dans les variations sur le choral de l’Andante. Ce qui n’empêcha pas l’accueil chaleureux du public.

Outre les concerts directement liés à l’exposition Hôtel Beethoven – et notamment aux pianos historiques de la Ballroom – le festival accueillera encore le Quatuor Arod, l’ensemble Aka Moon, Daniel Baremboim, et le West-Eastern Divan Orchestra,La Quatuor Ebène, Kristian Besuidenhout. Luxueux.

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