Samedi, à la salle Bourgie, Alexandre Tharaud faisait sa première visite à sa ville de coeur, Montréal, depuis la pandémie. Il était accompagné de son fidèle complice, le violoncelliste Jean-Guihen Queyras. Le duo s’est pleinement livré, dans un concert fervent et enflammé.

Le programme choisi par les duettistes pouvait surprendre : Schubert, Poulenc et… Marin Marais. La proposition de transcription de pièces de violes de Marais au violoncelle et piano vient d’être tentée par Tharaud et Queyras au disque chez Harmonia Mundi, et avec succès.

Le concert débute avec une très forte présence sonore, élément cocasse et éloquent, le jour de la parution dans Le Devoir d’un entretien avec le directeur artistique du Centre de musique baroque de Versailles, Benoît Dratwicki, plaidant pour un baroque français plus « charnu » sur le plan sonore.

Palette expressive

Comme dans le disque, l’irrésistible moment de la Suite extraite du 3e Livre de pièces de violes est la Musette (plage 3 sur le disque). Elle suit ici une magnifique Sarabande, ce qui, par contraste d’ambiance, rehausse son effet.

Après avoir débuté puissamment, comme pour étalonner leur ambitus dynamique dans le cadre de la salle, Alexandre Tharaud et Jean-Guihen Queyras naviguent à travers les danses de Marais en faisant assaut de subtilités et en ne négligeant jamais le caractère des danses. Toute leur palette est exposée, au final, dans les Couplets des Folies d’Espagne. Cette collection de 32 variations autour du célèbre thème de La Folia, d’une durée de près de 20 minutes, est d’ailleurs faite pour exposer les possibilités expressives de la viole (à l’époque) et, donc, du tandem aujourd’hui.

Alexandre Tharaud et Jean-Guihen Queyras ont préservé cet esprit jubilatoire durant toute la soirée, jusqu’aux rappels, un Allegretto d’un Divertimento de Haydn transposé par Gregor Piatigorsky et la 1re Danse hongroise de Brahms, transcrite par eux.

La seconde moitié de concert comprenait une autre transcription, celle de la Sonatine D. 384 pour violon et piano de Schubert. Ici, Schubert est encore redevable de l’esprit viennois régnant chez Mozart. On pouvait craindre que la transposition à un instrument plus grave alourdisse l’oeuvre, mais les interprètes ont tout fait pour la jouer dans un esprit primesautier et un ton léger, enchaînant sur une Sonate de Poulenc très articulée avec une Cavatine très intense (superbe fin avec le violoncelle muni de sourdine) et un échange thématique nourri entre les protagonistes.

Concert enjoué, heureux, d’un bonheur communicatif.

Récital Tharaud-Queyras

Marais : Suite en la mineur, extraite du Troisième Livre de Pièces de viole. Prélude et Sarabande du Deuxième Livre de Pièces de viole. Couplets des Folies d’Espagne. Schubert : Sonatine pour violoncelle et piano en ré majeur, D 384. Poulenc : Sonate pour violoncelle et piano. Salle Bourgie, samedi 1er avril.

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