Le programme serait idéal, du moins pour moi, regroupant mes trois partitions favorites d’Henri Dutilleux, mais Métaboles, qui manquent de mordant, de projection, ne pourront s’inscrire dans le firmament d’une discographie où règnent Charles Munch, George Szell et Sergiu Celibidache (les deux derniers par des échos de concert reportés au disque mais devenus difficiles à trouver), pas plus hélas la Première Symphonie, trop lisse, trop sage sous la baguette attentiste de Gustavo Gimeno, énième proposition pour une œuvre dont Yan Pascal Tortelier aura épuisé les beautés aussi grâce à la perfection de la prise de son de Don Hartridge.
Mais Tout un monde lontain… ? Jean-Guihen Queyras transmue son violoncelle en pur songe, son archet a passé de l’autre côté du miroir, et divague des poèmes délétères. Regard est troublant au possible, ses longues tirées comme sous opium ; Houles sera fuligineux et joué très dans l’orchestre, en fusion ; le rêve de Miroirs, avec ce gamelan immobile, chante dans un vide cosmique qui fait écho au presque-rien ouvrant l’Enigme initiale. Hymne pourra venir, emporté comme il faut jusqu’au silence, mais la poésie sombre de Miroirs où se reflètent des fragments de songes perdure, l’archet comme une voix, trésor d’un disque inégal.