Quelques semaines après le jeune violoncelliste Victor Julien-Laferrière nous retrouvions à la salle Bourgie le violoncelliste français cher au cœur des Montréalais, né ici en 1967, Jean-Guihen Queyras.
Sans rien retirer au jeune remarquable talent de Julien-Laferrière, c’est un artiste princier qui nous a rappelé mardi soir de quoi étaient faits les plus grands maîtres, ceux qui dépassent les contingences de l’instrument pour évoluer dans un autre univers.
Cet autre univers, c’est utiliser un instrument pour cultiver une sorte de philosophie par le son. Cet art-là possède l’immense mérite d’être universel et de s’adresser à tous. Chacun peut ainsi venir s’abreuver à une Partita du Turc Ahmet Adnan Saygun (1907-1991) ou à la 1re Suite de Britten pour ce qui lui sied : des atmosphères variées, des moments sonores qui parfois frisent l’infinitésimal (la mélodie en filigrane du « Bourdon » de la Suite de Britten) ou des constructions plus intellectuelles.
Les auditeurs qui guettent les « moments musicaux » ne sont pas déçus, car ceux-ci sont innombrables, aussi jubilatoires que dans le récent enregistrement des Sonates pour violon et piano de Beethoven par Zimmermann et Helmchen (BIS), la Sarabande de Bach qui naît de la Courante, le plaisir qu’affiche Queyras de conclure ses mouvements comme sur de petites pirouettes (Saygun) ou son suprême art des transitions, par exemple vers la coda dans le 3e mouvement de la Sonate de Barrière avec Stéphane Tétreault.
De son Bach de 2018, nous avions dit que Queyras « aspire à rebondir plus qu’à lier. Il pense moins à faire résonner l’instrument qu’à en découdre avec la matière. Il amplifie les contrastes et scrute des recoins de phrases. » C’est un artiste totalement apaisé et détendu, qui a retrouvé le goût du plaisir et le sens du jeu, que nous avons retrouvé cette semaine.
Princier aussi dans son attitude, Queyras a remercié Stéphane Tétreault de s’être libéré pour venir jouer avec lui. Le duo a été complice, efficace et éloquent dans un répertoire plutôt rare et fort charmeur.
Une mention spéciale pour l’inclusion de l’œuvre de Saygun qui, bien mieux que dans ses partitions symphoniques enregistrées par CPO, réussit ici la réunion musicale de l’Orient et de l’Occident.