Après une première invitation en 2014, le Festival d’Aix-en-Provence offre une nouvelle Carte Blanche à Jean-Guihen Queyras pour cette édition 2016.

Retrouvez Jean-Guihen et ses amis, pour quatre concerts exceptionnels dont une création mondiale commandée par le Festival d’Aix au compositeur Gilbert Amy autour d’un cycle pour violoncelle et baryton, qui réunira à ses côtés, le 19 juillet prochain, Stéphane Degout, qui tient le rôle titre de Pelléas dans la nouvelle production d’Aix.

Invités exceptionnels de la nouvelle Carte blanche confiée au violoncelliste Jean-Guihen Queyras avec qui ils forment le Quatuor Arcanto, Antje Weithaas, Daniel Sepec et Tabea Zimmermann donnent des master classes aux ensembles de l’Académie.

Retrouvez également Jean-Guihen pour un Tête-à-tête dans la cour du Presbytère le 12 juillet à 18h.

Enfin, le concert avec le Quatuor Arcanto du 14 juillet sera retransmis en direct sur France-Musique.
Les concerts avec Alexander Melnikov du 11 juillet et le quatuor Arcanto seront quant à eux respectivement retransmis les 8 août et 24 août à 20H sur les ondes de France Musique.

Et pour se remémorer la carte blanche que lui consacrait le Festival d’Aix-en-Provence 2014 voici à la réécoute le Tête-à-tête enregistré à cette occasion (Interview menée par Anne Le Nabour) et l’album Flickr du Festival.

 

ENTRETIEN AVEC JEAN-GUIHEN QUEYRAS
12/07/2016

Cette année, et pour la deuxième fois dans l’histoire du Festival, une carte blanche est offerte au violoncelliste Jean-Guihen Queyras. Concerts, récital et master classes sont au programme. Rencontre avec ce musicien curieux, adepte de l’interaction et de la transmission, tout de bleu-blanc-rouge vêtu, à quelques heures de la Finale de l’Euro 2016.

Cette année, vous intervenez dans plusieurs master classes de l’Académie. En quoi consiste votre participation ?
Lors d’une master classe, il y a celui qui reçoit et celui qui donne, et celui qui reçoit est aussi responsable que celui qui donne. Ici, j’ai affaire à des quatuors qui sont déjà professionnels et qui ont un niveau exceptionnel. Le travail est donc très différent de celui que j’offre quand je suis de passage dans un Conservatoire par exemple. C’est plutôt de l’ordre de l’échange. Finalement, la seule chose que j’ai de plus qu’eux, ce sont les années d’expérience !

Vous dévoilerez également les ficelles de votre enseignement lors d’une master classe publique …
Une master classe publique, c’est comme une relation à trois. Au cours de cette séance, je vais donc communiquer au quatuor ce que je souhaite lui transmettre, mais je vais aussi faire des petites digressions et me tourner vers le public pour lui expliquer pourquoi on travaille sur tel ou tel détail, à quoi cela correspond dans l’œuvre, etc. C’est une chance formidable d’avoir une carte blanche dans un lieu comme Aix car le public est connaisseur sans pour autant être snob ! C’est d’ailleurs quelque chose qui m’a fasciné quand je suis venu en 2014, les master classes publiques étaient remplies de passionnés qui voulaient découvrir les cuisines de la musique.

La transmission, c’est quelque chose que vous aimez partager ?La transmission fait partie de ma vie depuis toujours. J’aime transmettre des choses à la jeune génération mais aussi au public. Surtout quand ce sont des musiques plus difficiles à aborder. Ça vient peut-être de mes dix années passées à l’Ensemble Intercontemporain, et le fait d’avoir eu la chance de me plonger dans une musique très complexe et d’apprivoiser ce langage avec des compositeurs comme Boulez. J’aime essayer de donner les outils sur la manière dont la musique est construite aux auditeurs car il n’y a rien à faire, on a beau leur dire : « fermez les yeux, laissez-vous porter par la musique », ils ont très souvent envie de comprendre. Mais ça, c’est un petit défaut qu’on a tous !

Qu’est-ce que vous recherchez dans une interprétation ?
Le travail de recherche que je fais en tant qu’interprète et dans le cadre des master classes, c’est d’essayer de déchiffrer ce qu’il y a derrière les notes que le compositeur a posé sur le papier. Ce qui fait un chef-d’œuvre, ce n’est pas seulement le fait qu’il soit bien construit, c’est aussi qu’il repose sur quelque chose de très personnel et de très émotionnel. Je pense à Schumann et à toute la douleur qu’on peut déceler dans sa musique, ou encore un Puccini qui compose des arias qui vont droit au cœur. Ce sont des chefs-d’œuvre parce que ces compositeurs ont eux-mêmes ressenti des choses incroyables et qu’ils ont eu besoin de les exprimer. L’interprétation consiste donc à essayer d’entrer le plus possible en osmose avec le langage du compositeur et de se demander comment transmettre cette émotion  dans la formation du son.

Vous allez donner deux concerts avec le Quatuor Arcanto, et vous proposez un répertoire large : Purcell, Britten, Bach, Mendelssohn, mais aussi la Suite Lyrique d’Alban Berg…
Cela fait des années qu’on joue cette Suite lyrique ! C’est une œuvre particulière dans le sens où elle a une histoire extraordinaire. C’est d’abord un chef-d’œuvre de construction, car Berg était un fou de logique, de mathématique, c’était un fétichiste du chiffre. Cette suite est donc construite de manière architecturale. Et puis il y a eu la découverte, dans les années 1970, de la correspondance qu’il a eue avec Hanna Fuchs, et de cette passion qui a déclenché la composition de cette œuvre. On a également découvert une partition imprimée que Berg a lui-même annoté à l’attention de la jeune femme. Il écrit : « regarde, ce thème-ci, c’est toi et moi ; ce thème-là ce sont tes enfants ; et ici, j’exprime mon désespoir de ne pas pouvoir te revoir ». Il y a donc toute une symbolique derrière et Berg a tout décortiqué pour elle ! C’est passionnant !

Vous  créerez le Cycle Le Poète inachevé, une commande du Festival à Gilbert Amy. Comment ce projet a-t-il vu le jour ?
Le Festival a commandé à Gilbert Amy un cycle pour voix et violoncelle, Le Poète inachevé, sur des poèmes de René Leynaud. J’avais justement envie de monter un projet autour de la voix car Aix reste un festival d’art lyrique ! Je connais Gilbert Amy depuis longtemps. Il y a quelques années, il avait d’ailleurs composé un magnifique concerto pour violoncelle que j’avais créé au Japon. Je trouvais déjà que dans son écriture pour le violoncelle, il y avait quelque chose de lyrique.

Pour cette édition, vous retrouverez aussi le saxophoniste Raphaël Imbert, autour d’une création sur le thème du blues ?
Chaque année, j’organise les Rencontres Musicales de Haute-Provence, un festival de musique de chambre. Par tradition, on propose quelque chose d’un peu plus ouvert, de plus cross-over lors du dernier concert. Raphaël Imbert y a souvent participé et nous a emmené vers le jazz, nous, musiciens classiques, qui sommes plus timides face à l’improvisation. C’est un travail extrêmement salutaire car c’est une lacune du musicien classique. L’improvisation, qui était évidente à la période baroque, a peu à peu disparu car les compositeurs sont devenus de plus en plus maniaques, et c’est bien dommage car c’est quelque chose qui apporte énormément à l’interprétation de la musique classique. Raphaël Imbert et moi-même nous côtoyons donc depuis longtemps, et comme j’improvise de temps en temps, on s’est dit que ce serait chouette de se rejoindre pour ce projet-là. Il y aura aussi d’autres musiciens. D’ici là, il y a les concerts et les master classes, le planning est chargé. Je vais donc arriver, je ne sais pas si je dois dire, comme la cerise sur le gâteau ou comme un cheveu dans la soupe, mais quoi qu’il en soit, je serai là (rires).

Propos recueillis le 10 juillet 2016 par Saskia de Ville.

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