CONCERT – Alexandre Tharaud et Jean-Guilhen sont inséparables. Dans le cadre de la sortie de leur troisième disque, consacré à Marin Marais, ils étaient en récital vendredi 13 janvier à la Philharmonie de Paris.
Ils sont complices « depuis longtemps désormais » s’amuse le pianiste. Ils représentent tous deux une forme de délicatesse, une approche intime de l’interprétation musicale. Les voilà de nouveau réunis à la Philharmonie de Paris. Le violoncelliste Jean-Guihen Queyras et le pianiste Alexandre Tharaud ont choisi un programme qui avance au fil des siècles, commençant par Marin Marais (transcrit pour leurs instruments réciproques), allant vers Schubert (la sonatine pour violoncelle et piano en ré majeur D 384), avant de finir sur la sonate pour violoncelle et piano FP 143 de Poulenc.
Dentelle et violoncelle
Malgré l’envergure de l’amphithéâtre Pierre Boulez, la soirée conserve un caractère intimiste, laissant chaque spectateur se mettre au diapason de l’émotion qui les habitent, plutôt que chercher à être tapageur pour occuper l’espace. L’archet de Queyras se fait souple, subtil, tout comme le piano de Tharaud, dont les notes semblent couler d’un simple effleurement des touches. L’émotion est au rendez-vous, même si l’on peut regretter la présence d’un troisième instrument, en plus des cordes pincées et des cordes frappées : celui des gorges raclées, qui retentissent à l’unisson et avec une régularité de métronome entre chaque mouvement, nous rappelant que c’est l’hiver hélas, et entachant quelque peu le recueillement qu’on aurait souhaité accorder à la musique.
La subtilité de l’interprétation ne veut pas dire mollesse, et les musiciens savent se montrer impétueux, notamment lors du final de la Suite en la mineur de Marin Marais, où la fougue du violoncelliste le conduit même à faire voltiger la commande au pied du défile-page, sous l’oeil visiblement très amusé de son confrère.
Copains de grande classe
Cette connivence sur scène saute également aux oreilles. À aucun moment l’un ne devient simple accompagnant de l’autre, même lorsque la partition met un instrument à l’honneur, comme c’est le cas avec les Livres de pièces pour viole de Marin Marais.
Le concert se clôt par un final lyrique, clé de voûte idéale de tout ce qui a précédé. Le dernier mouvement de la sonate de Poulenc, après plusieurs soubresauts, s’achève dans la contemplation, comme si la musique se préparait déjà à laisser la place au silence chargé de l’émotion qu’elle a engendré. Les applaudissements copieux et chaleureux appellent plusieurs rappels, tout d’abord la Rêveuse de Marin Marais lors du rappel, et ensuite une danse hongroise endiablée (la fameuse n°5 de Brahms).